Notes
























1 Ceci m’a conduit à lire les deux textes posthumes publiés, [10, 11], puis à retrouver l’ensemble des manuscrits laissés par Jacobi et ses éditeurs Cohn et Borchardt [I/58 a), II/4, II/10, II/13 a), II/13 b), II/13 c), II/22, II/23 a), II/23 b), II/25], et conservés à Berlin (Archiv der Berlin Brandenburgische Akademie der Wissenschaft, fonds Jacobi). Précisons que j’ai rencontré cette référence en 1989, mais que je n’ai qu’en 2002 trouvé le courage d’en commencer la lecture.

 

2 Il publia en français dans les années 1920.

 

3 Savoir trouver de telles solutions pour quelques systèmes particuliers, en se ramenant par exemple à des intégrales, qu’il faudra ensuite savoir calculer fait partie du bagage de tout étudiant en science. Cela se résume en général à une collection d’exemples et de recettes. Il faut ensuite être astucieux dans les situations complexes où une seule recette ne suffit pas, sans que l’étudiant puisse savoir, lorsqu’il ne s’agit plus d’un exercice scolaire, s’il échoue par maladresse ou parce que la réponse cherchée n’existe pas. Le cours de «calculus» de Ritt faisait l’admiration car il s’était attaché à éviter un catalogue rébarbatif pour faire véritablement comprendre pourquoi un sytème admet ou non une solution en formule clause. Ce cours était le reflet de ses recherches, poursuivant les travaux de Picard et de Vessiot, qui devaient être poursuivies par son élève Ellis Kolchin. La théorie de Galois différentielle donne des critères d’existence analogue à ceux fournie par la théorie de Galois classique pour qu’une équation algébrique admette des solutions par radicaux.

 

4 «Maintenant, voici ce principe, si sage, si digne de l’Être suprême : lorsqu’il arrive quelque changement dans la Nature, la quantité d’Action employée pour ce changement est toujours la plus petite qu’il soit possible.» Maupertuis, après un premier exposé limité à l’optique, généralise ses conception dans un article paru en français à Berlin, dans une revue dont le titre même est français [32].

 

5 Ce n’était peut-être pas une objection majeure pour Maupertuis, manifestement inspiré par des considérations théologiques où l’idée d’un but a priori fixé pouvait trouver sa place. L’essentiel de son article est consacré à examiner les preuves de l’existence de Dieu, le principe de moindre action lui semblant, mieux que d’autres, manifester une création résultant d’un choix optimal et non l’œuvre du hasard. Par ailleurs zoologue et précurseur de la génétique, Maupertuis relativise en revanche les arguments fondés sur l’adaptation des animaux à leur environnement, qui pourrait s’expliquer par la survie d’une proportion infime d’espèces parmi une multitude produite par le hasard. Le style du mémoire de Maupertuis, s’il surprend par des manifestations d’enthousiasmes qui pourraient paraître naïves, n’exclue donc pas la réflexion critique du savant, y compris dans ses passages les plus théologiques. Proche de Voltaire et de Mme du Châtelet, il témoigne ainsi de la richesse et de la profondeur de la France des «Lumières», que l’on réduit parfois un peu vite à la frivolité et au libertinage. On y voit aussi que l’inspiration scientifique est affaire d’humains, de personnalités et de convictions. Elles ne peut se réduire à des méthodes standardisées d’inspiration scientiste, industrielle ou bureaucratique.

 

6 La notation O(np) signifie que le nombre d’opérations élémentaires est majoré par Anp, où A est une constante qui reste a determiner. Ce type de notation est fréquement utilisé pour indiquer la complexité d’un algorithme. Les «bons algorithmes» ont une complexité polynomiale, donc en O(na), l’idéal étant d’avoir une complexité linéaire (en O(n)) ou presque (en O(nlogn) ou O(nlognloglogn)). Les choses se compliquent si l’algorithme est exponentiel O(an), doublement exponentiel (O(abn)) ou pire encore. Évidement, il ne s’agit que de majorations dans le pire des cas ; il est souvent plus difficile de définir des bornes inférieures de complexité ou une complexité «en moyenne». Par ailleurs, une méthode exponentielle peut être meilleure qu’une méthode polynomiale sur de petits exemples : tout dépend de la taille de la constante masquée par la notation O, elle aussi souvent difficile à évaluer. L’étude de la complexité des algorithmes est une théorie récente. À l’époque de Gauß ou de Jacobi, on n’a qu’une notion empirique et intuitive de la complexité des calculs, mais d’autant plus vive qu’il faut les faire à la main.

 

7 Mais dans des situations plus complexes, l’intuition physique ne suffit plus. Einstein avait rencontré des difficultés de ce type avec les équations aux dérivées partielles de la relativité générale, ou d’autres systèmes plus généraux : comment déterminer les conditions initiales susceptibles d’être fixées arbitrairement (le degré d’arbitraire, dans le vocabulaire de Cartan), ou à l’inverse les contraintes imposées par les équations (la force du système, dans le vocabulaire d’Einstein). Elie Cartan et Albert Einstein entretinrent sur de tels sujets une correspondance nourrie. Une quarantaine de lettres furent échangée de mai 1929 à mai 1932, avec un pic : pas moins de 26 lettres de décembre 1929 à février 1932 [1]. En restant dans le monde des équations différentielles ordinaires, l’automatique ou théorie du contrôle fournit des exemples de problèmes où l’on souhaite savoir si les paramètres, ou l’état d’un système peuvent être déduits de son comportement. Mathématiquement, cela revient à tester à tester l’existence de formes normales qui les expriment comme fonctions des entrée, des sorties et de leurs dérivées. Les conditions de rangs fournies par Jacobi sont très proches de celles utilisées par Alexandre Sédoglavic [35] pour implanter une méthode de test rapide.

 

8 L’intégration d’un système différentiel est facilitée par la connaissance d’intégrales premières, c’est-à-dire de fonctions qui sont constantes sur les courbes solutions. C’est le cas de l’énergie pour un système non dissipatif ou encore du moment cinétique pour le problème des deux corps. Jacobi montre que l’on peut, connaissant des intégrales premières en nombre suffisant en déduire d’autres, ce qui facilite l’intégration du système.

 

9 Grec phora, trajectoire, mouvement et nomos, loi. Ce terme a été proposé pour remplacer «mécanique».

 

10 La géométrie tropicale est un domaine assez récent qui étudie des semi anneaux tropicaux où la multiplication est l’addition usuelle et l’addition définie par min (ou max). Elle doit son nom à l’un de ses pionniers, le brésilien Imre Simon. On découvre ici que l’une de ses notions est en fait apparue à Königsberg, au bord de la Baltique.

 

11 Je n’ai pu obtenir aucun renseignement biographique sur lui.

 

12 Générique signifie que l’on peut se ramener à cette situation par un changement infinitésimal des données du problème. Traiter le cas général, signifie en revanche envisager tous les cas, même les plus particuliers.

 

13 Mais cette histoire nécessite en elle-même un article.

 

14 La lecture des manuscrits en latin de Jacobi est facilitée, car ils sont écrits en cursives romaines. En revanche, ses textes en allemand sont écrits en cursives «gothiques», une écriture dont une variante fut l’écriture courante en France jusqu’au xviie siècle. L’usage du gothique fut interdit par le IIIe Reich en 1941 pour des raisons pratiques déguisées sous un prétexte idéologique : Adolf Hitler venait de découvrir qu’il s’agissait de caractères «judéo souabes» [33, p. 87]. Ceci fait que nos collègues allemands en activité ne savent plus lire cette écriture, ou très difficultueusement, à moins de n’avoir fait l’effort de l’apprendre. À l’époque de Jacobi, le gothique n’est pas ressentit comme une variante de l’alphabet latin, mais comme l’écriture par excellence de l’allemand. Dans les textes latins de Jacobi, il est réservé aux indications typographiques. Dans ses résumés, Borchardt reprend des termes latins, sans majuscules, mais déclinés dans la phrase allemande, comme Jacobi signale dans ses textes les mots importés en latin, ou pris dans un sens particulier au contexte mathématique, comme Determinans ou Coëfficiens par la Majuscule des substantifs allemands. Notons enfin que Jacobi est très respectueux des accents du français, et ne manque pas d’écrire Bézout, alors que ses traducteurs en français ont oublié l’accent grave !

 

15 Entré à 12 ans au Gymnasium de Potsdam, après avoir étudié avec son oncle Lehmann, son niveau oblige à l’affecter en terminale, qu’il triple car il ne peut entrer à l’université avant 16 ans.

 

16 Charles Davis, à la tête du Nautical almanach états-unien recrute parmi ses premiers calculateurs Maria Mitchell (1818-1889), la fille d’un banquier, astronome amateur. En 1849, celle-ci lui demande, parmi les livres qui lui manquent, le traité de Gauß Theoria motus corporum coelestium…. Davis lui en promet un exemplaire, ajoutant «I am glad you read Latin.» [8, p. 61-62]. Cet ouvrage reste une référence essentielle pour de nombreuses méthodes, y compris celle des «moindres carrés», mais les modifications introduites dans le programmes des «colleges» (Structures d’enseignement supérieur de dimensions souvent plus modestes, qui ont précédé le développement des universités états-uniennes qui s’effectuera à la fin du xixe siècle.) rend de plus en plus rares les jeunes calculateurs capables de le lire. (Il faut noter que Maria Mitchell, comme Jacobi ou Borchardt, doit une part essentielle de sa formation à son environnement familial.) Davis devra se résoudre à en réaliser une traduction qu’il a juste le temps d’achever avant de quitter le Nautical alamanach, durant l’été 1861, pour prendre le commandement d’un navire durant la guerre de sécession [8, p. 78].

 

17 De même que le grec, dont l’imprégnation se manifeste par le choix d’un vocabulaire inusité : canon pour désigner une table de calcul, mais aussi un tableau de nombres possédant des propriétés particulières, ou phoronomie, pour désigner la mécanique.

 

18 La nécessité oblige à compléter le groupe avec des femmes, dont certaines parviendront ensuite à poursuivre des carrières scientifiques [7].

 

19 L’Édit impose cependant des restrictions, en ce qui concerne les emplois dans l’administration et ne sera pas étendu aux nombreux juifs des territoires de l’est annexés par la Prusse en 1815.

 

20 Pour fixer les idées, Isaak Euchel (1756-1804), l’un des fondateurs de la Haskalah, le mouvement juif des «lumières», faillit être recruté à l’université de Königsberg comme professeur d’hébreux biblique en 1785, mais son ancien professeur, Emmanuel Kant, finit par s’y opposer après l’avoir initialement soutenu. (Plus de détails.) Les étudiants juifs, mais aussi catholiques n’étaient alors admis sans difficulté dans ce fief luthérien que depuis peu et la candidature d’un autre brillant élève de Kant, catholique, avait également été repoussée pour ce motif. (Plus de détails.)

 

21 Où l’on voit que certains débats sont anciens.

 

22 On le connaît en Russie sous les prénoms de Moris German, voire Boris Semyonovitch.

 

23 La fortune héritée de sa famille avait été perdue au cours d’une crise économique…

 

24 Jacobi fournit ainsi des indications précises sur les difficultés de financement de certaines tentatives et ne manque pas de commenter avec ironie certaines injustices dans la répartition des crédits et des postes. En 1836, l’université de Königsberg ne compte pas moins de sept professeurs ordinaires de droit pour 60 étudiants [17, p. 35].

 

25 Reference établie d'apès Bull. Amer. Math. Soc. 12 (1906), p. 212. L'exemplaire que j'ai consulté ne comporte pas de nom d'éditeur, mais la date manuscrite 1852.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ce document a été traduit de LATEX par HEVEA